Les cheveux dans le vent, le volume de la radio au maximum, le sourire aux lèvres, je « file » à vive allure vers cette nouvelle expérience. Aujourd’hui, j’ai décidé, malgré les remontrances de tous, de faire une expédition en canot sur la rivière. Le soleil est haut dans le ciel, dégageant une douce chaleur, quelques petits nuages veulent se montrer le bout du nez mais rien d’alarmant. Une journée parfaite pour me faire plaisir. Bien entendu, j’ai pris le temps de m’informer des rudiments en matière de canotage. L’inquiétude commence à m’envahir, mais j’avance tout de même. Je dois relever le défi.
Enfin arrivée sur le bord de la rivière, je stationne la voiture et entreprend de descendre le canot et de le mettre à la rivière. Oufff, pas évident quand on est seule. Une fois à l’eau, je prends mon nécessaire et surtout le… bipbip de gilet de sauvetage que le garçon de location m’a dit et redit de porter, soit disant pour ma sécurité. Bref, me voilà enfin prête pour le grand départ. Un dernier coup d’œil pour vérifier que je n’ai rien oublié et voilà, le coup d’envoi est donné.
Tout doucement, je pagaie dans l’eau. Je prends le temps de contempler ce qui m’entoure, le paysage est resplendissant. Je me sens un peu anxieuse d’être seule mais fière de moi d’en être capable. Après une demi-heure environ, je me retrouve face à un embranchement. Je sens un vent de panique en moi, ce n’était pas prévu, ils ne m’avaient pas parlé de cette fourche, quelle direction prendre, que faire?? Je me sens paralysée, j’ai peur de faire une gaffe et de prendre le mauvais côté. J’approche de plus en plus, je dois me décider. Finalement, j’opte pour la droite. Mon cœur bat dans ma poitrine, j’espère que j’ai fait le bon choix.
Toujours en dirigeant mon canot vers la droite, je continu mon aventure. Encore sur le stress, je regarde au loin pour essayer de prévenir les éventuels obstacles. Les petits nuages qui essayaient de se montrer le bout du nez se rapprochent de plus en plus et sont d’une couleur inquiétante. J’aperçois au loin de petits moutons blancs dans l’eau et divers petits points noirs. Tout en m’approchant, je constate que le courant augmente. Mon canot vacille de plus en plus et le contrôler devient difficile. Ah non!!! Que faire, les petits moutons s’avèrent être des remous. De plus, plusieurs roches les traversent. Je ne veux pas renverser ou me noyer, j’ai peur. Pourquoi cela m’arrive à moi, je voulais simplement faire une jolie expédition. Ah non….. Un rocher….. BANG!!!… Le canot fracasse un rocher. Ce n’est pas juste, je ne veux pas mourir. Une multitude d’idées me traversent l’esprit : j’entends ma mère me dire que c’est de la folie de partir seule, que c’est dangereux. Les paroles de ma copine disant que je ne suis pas aventureuse et me demandant si je vais être capable. Finalement, vais-je vraiment être capable, je ne suis pas vraiment sportive… Pas vraiment bonne. Avec persévérance, et un peu de courage, je réussi tant bien que mal à franchir ces petits remous qui m’ont parue assez gros. Soulagement, la rivière semble se calmer, le calme après la tempête. De plus, quoi de plus merveilleux qu’un splendide rayon de soleil qui vient vous caresser le nez pour vous redonner le courage. Finalement, je crois que ça ne sera pas si terrible que ça, pourquoi ne pas continuer encore un peu avant de sortir de l’eau.
Tout en allant de l’avant, je sens au fond de moi une certaine inquiétude, j’espère ne pas encore croiser d’éventuels remous. J’essaie de regarder le paysage, de tendre l’oreille pour écouter les oiseaux, mais rien n’y fait. Une partie de moi est anxieuse. Je ne suis plus centrée sur le plaisir qu’était supposé m’amener mon expédition mais je pense seulement à …Si ça arrivait encore? Perdue dans mes pensées, je n’ai pas remarqué immédiatement que la pluie avait commencée. Une goutte, deux gouttes, trois gouttes…Zut!! pas de la pluie. Au moment où je priais pour que la pluie cesse, un déluge d’eau s’abat sur moi. Je n’avais jamais vu ça avant, les brins de pluie arrivaient tellement vite qu’ils me faisaient mal au visage. C’est trop injuste, pourquoi moi ? Je n’ai rien fait pour mériter ça, c’est assez, ce n’est vraiment pas drôle. Deux minutes de frustration et me voilà déjà rendue à penser à ma mère et aux autres. Ben oui… Ils ont toujours raison. C’est moi la coupable, je n’aurais jamais du partir, ce n’est pas la première fois que je me mets dans un tel pétrin. De toute façon, rien de bon ne m’arrive à moi, mon ex avait raison. Sous l’averse, ruminant mes sombres idées, je me demande si je ne devrais pas sortir de l’eau et faire du portage jusqu’à mon véhicule. Non mais… Est-ce que je rêve…. La pluie semble diminuer, eh oui…. Les nuages s’en vont. Ce fût seulement qu’une averse passagère. Le soleil sort de derrière les nuages et commence à faire sécher mon linge. Excellent!!! Parfois la vie n’est pas si pire… Il faut garder espoir. Alors, étant donné que le beau temps a repris sa place, je continue, je veux en profiter.
Le temps passe rapidement, je me mets à pagayer plus vigoureusement. Je veux voir du paysage. Tout en avançant bon train, je me laisse bercer par la brise du vent. Je tends l’oreille, car je dois rester aux augets, au cas où il y aurait quelques choses d’autres qui m’arriveraient. Plusieurs minutes s’écoulent sans d’autres anicroches. Dans le ciel, les oiseaux se mettent à crier. Que ce passe t-il? Je regarde bien comme il faut devant moi et je constate encore du blanc. Cette fois-ci ce ne sont pas des petits moutons blancs, mais plutôt des énormes… Je crois que ça ne va pas bien aller, je me sens les jambes molles, je n’ai pas le temps de changer de cap. Ohhhhhhhhhh nonnnnnnnn me voilà secouée de partout. Je vais mourir, je m’agrippe du mieux que je peux au canot. Voilà venue ma dernière heure. Que je suis stupide, dans quel pétrin je suis encore allée me mettre. Niaiseuse, niaiseuse, triple niaiseuse. Mon heure est vraiment arrivée. D’interminables minutes où je vie un véritable calvaire passent au ralenti. Je ne peux que fermer les yeux et espérer que cela arrête. Que cela arrête pour combien de temps? Si je regarde mon expédition, je ne suis pas encore au bout de mes peines. Jusqu’où cela va aller, je n’en peux plus.
Tout doucement, j’essaie de m’ouvrir les yeux à travers toute l’eau qui m’inonde. Cela semble se calmer un peu devant moi. Finalement, je ne suis pas morte. Je suis trempée, à bout de nerfs et je m’en veux royalement de ne pas avoir écouté mon entourage. Dans le ciel, j’aperçois encore ces maudits oiseaux de malheur. Des cris stridents retentissent, que va-t-il m’arriver encore une fois? J’entends de plus en plus un bruit sourd, comme de l’eau qui coule. NON! Ce ne peut être cela, ce n’est pas possible. J’essaie de ralentir ma cadence, le bruit se fait de plus en plus clair, je ne peux me tromper. Devant moi se dresse une chute, mon canot s’y dirige directement. Si je continue, je vais sauter dedans et me rompre le cou. Je ne peux survivre à pareil saut. Par contre, avec force et persévérance, je pourrais me rendre sur la rive. Je ne sais pas où je suis mais j’y serai en sécurité et en marchant je rencontrerai bien quelqu’un. Des larmes envahissent mes yeux. Je ne sais plus quoi faire, je n’ai plus de force. Je veux mourir mais je ne veux pas mourir non plus. Mes enfants, ma famille, mes amis…. Comment trouver la force pour me rendre, devrais-je abandonner, me laisser aller…. Que faire??? Quelle décision prendre? Vite, je dois agir, ma vie est en jeu. C’est la vie ou la mort.
Réalisé par Véronique Bélanger, agente de prévention promotion et sensibilisation de Mirépi maison d’hébergement.