Le 28 Janvier 2004, ma robe de nuit et quelques papiers dans un sac, j’embrassais mes chats pour la dernière fois et je commençais une nouvelle vie. Dans le système de son de l’auto qui m’emmenait, Richard Desjardins me promettait des jours meilleurs. Moi, j’avais le cœur, le corps et surtout l’égo à 30 sous zéro.
Je vous passe les détails de 26 ans de vie commune qui ont complètement détruit le peu d’estime que j’avais de moi et ce qui m’a emmenée à être aussi détruite moralement mais je peux résumer en vous disant que je me considérais tellement nulle que j’étais convaincue que même Mirépi ne voudrait pas de moi.
C’était pourtant ma dernière porte de sortie. Suite à un bref séjour dans une maison d’hébergement, à Québec cette fois, j’avais compris qu’il me fallait beaucoup travailler sur moi et qu’en restant dans mon milieu c’était moins contraignant pour mon fils. Depuis longtemps je me rendais compte qu’il fallait que je parte, qu’un ange ne viendrait jamais me libérer et qu’aucun miracle n’allait me sortir de là, je devais agir mais ça ne rendait pas les choses plus faciles. En plus, chaque semaine je me rendais à la bibliothèque et LÀ il y avait l’affiche : celle de Mirépi avec cette femme au merveilleux sourire et LA phrase : Elle a appelé. Que j’haïssais cette affiche qui me ramenait à me questionner, moi, j’en étais toujours au même point, à remettre mon départ, Oui un jour je téléphonerais moi aussi. Un jour j’aurais du courage.
Je dois avouer maintenant que je redoutais beaucoup d’aller à Mirépi. Le vertige de tout laisser derrière, de sauter dans le vide, la peur de rencontrer des gens que je connaissais et la honte d’en être rendue là.
Pourquoi cette honte ? Mais parce qu je rejetais tous les torts sur moi !
Oui, j’en avais du travail à faire. J’ai donc consulté d’abord à l’externe comme pour apprivoiser l’idée, ce qui fait que, quand j’ai fait le grand saut, je savais un peu plus à quoi m’attendre.
Quand j’ai parlé du témoignage que je ferais ce soir, quelqu’un m’a dit : Pourquoi ressasser tous ces mauvais souvenirs? J’ai bien réfléchi, et je me suis rendue compte que les mauvais souvenirs c’était avant, ils s’arrêtent pour moi au moment où j’ai franchi la porte de Mirépi c’était là la fin du désespoir.
Je ne vous dirai pas que tout a été facile à partir de ce moment-là, ho non on aurait dit que la vie m’envoyait toutes sortes d’épreuves comme pour tester mon courage. Ma mère malade l’aide sociale qui me refusait des prestations, et j’en passe … mais peu importe, je n’étais plus seule et j’étais respectée. Et ça, c’est important. Parfois, à la suite de décisions douteuses, je pouvais lire dans le regard de certaines intervenantes : je ne comprends pas, je ne t’approuve pas mais je te respecte et tu es libre. Je pense que c’est ce que j’admirais le plus chez elles. Un soir je leur ai dit : Ce qui m’impressionne le plus c’est que je pourrais me lever devant vous toutes et dire je rentre à la maison et aucune ne me retiendrais, c’est ça le respect .On me faisait confiance plus que moi-même, c’était un bon début de thérapie.
Justement parlons-en de la thérapie : moi qui avais si peur d’une forme de psychanalyse où je me triturerais le dedans dans la plus grande douleur. Non rien de tout ça; la recette était bien simple : un foyer chaleureux, des intervenantes super compétentes, toujours humaines compréhensives et disponibles, avec des grands bras pour accueillir les femmes en pleurs, en joie, en doute, peu importe elles étaient toujours là et j’en ai bien profité. Je pense qu’il n’y a pas une intervenante qui n’a goûté à mes pleurs.
Et comme ça, lentement, tout doucement, panser mes plaies et calmer mes blessures comme dirait l’autre.
Un soir après avoir jasé tranquillement avec une intervenante, je suis monté à ma chambre avec une drôle de sensation, J’ai bien fouillé en dedans de moi, au fond, tout au fond….il n’y avait plus rien, c’était le calme plat; la douleur de l’angoisse perpétuelle n’était plus là. J’étais bien, j’étais en paix!!! Je me suis approchée du miroir et je me suis regardée. Ça faisait tellement d’années que ça ne m’était pas arrivé. Je suis sûre que vous comprenez ce que je veux dire. On se regarde pour un bouton sur la joue, une mèche de cheveux à placer ou n’importe quoi, mais se regarder vraiment c’est autre chose. Depuis des années je ne supportais pas mon regard, et quand je le croisais, je ne sais pas laquelle des deux haïssais le plus l’autre, mais c’était insupportable.
A ce moment-là, j’ai supporté mon regard, il était bienveillant pour la première fois, Je me suis presque souri. Je pense que je n’oublierai jamais ce moment. J’avais baissé les armes contre moi-même pour devenir mon alliée.
Et il y a eu la recherche d’un travail, j’avais tellement peur que personne ne veuille d’une femme de 50 ans. Je ne me doutais pas qu’un an après je souhaite en avoir un peu moins. J’ai trouvé sans trop de difficulté, un travail dans une résidence en santé mentale. Les murs de la maison doivent garder en mémoire cet évènement tellement j’en ai parlé. Ensuite ce fut l’appartement je n’avais rien, pas même une petite cuiller, mais grâce à l’aide de ma sœur, et de toute sa belle famille, tout ce que j’ai eu à m’acheter c’est un ouvre-boîte Je pense que la vie nous aide quand on va dans la bonne direction.
Je voudrais faire une parenthèse ici pour parler de mon fils.
Je sais que beaucoup de femmes remettent leur départ en question pour ne pas faire de mal aux enfants. C’était mon choix aussi, j’avais promis de rester tant que je pouvais pour ne pas déranger la vie de mon fils. Il me faisait confiance et savait que, si je partais c’est que je n’en pouvais plus. C’était ma plus grande culpabilité, non mais pensez-y : ce n’est pas évident de faire vivre la maison d’hébergement à un jeune homme de 15 ans. Et moi je lui en ai fait vivre 2.
Pourtant il m’y a suivi de bonne grâce, et s’est vite adapté. Malgré les problèmes que lui causait son père, il a eu la force de les affronter et il lui en restait même pour me consoler. Dans tout ce tumulte j’ai réalisé qu’il se sentait mieux dans sa peau à Mirépi qu’à la maison. Lui aussi se sentait aimé et respecté. Je l’ai rapidement vu déployer ses ailes et acquérir une confiance en lui que je ne lui connaissais pas. Il est devenu un beau grand jeune homme plein de projet, qui bouffe la vie comme un ado peut bouffer ses hamburgers!
Et me voilà, plus d’un an et demi après. Ça ne se voit pas beaucoup du dehors, mais j’ai beaucoup changée. La vie n’est pas plus légère pour moi que pour personne et pourtant, j’affronte les problèmes un à un sans angoisse. Tout n’est pas réglé avec mon ex conjoint mais je me sens plus forte, je prends ma place et en cas de doute, il y a toujours Mirépi et l’amitié de personnes merveilleuses que j’y ai rencontrées.
Je me sens bien dans ma peau, en paix avec moi-même et JE RESPIRE LA VIE!
Merci infiniment, d’abord à Mirépi, et toute l’équipe, sans qui ma renaissance n’aurait été possible il me fallait des pros comme on dit pour me remettre en confiance face à moi-même. Merci infiniment aussi à ma mère, ma sœur, mes deux fils, à tout ceux et surtout toutes celles qui m’ont aidé et merci à vous, qui m’avez écoutée.
En terminant, je voudrais vous raconter une petite anecdote qui ajoute du sens à mon propos.
Quand j’ai eu fini d’écrire ce texte, j’avais la tête pleine d’émotions et de questionnements, et tout à coup, je me suis rendue compte que le disque de Mara Tremblay jouait en sourdine depuis longtemps. Comme j’aimais la chanson qui jouait, j’ai monté le volume et voici les paroles qu’elle chantait à ce moment-là :
Regarder fièrement nos accomplissements
Humainement, dans la paix, harmoniquement
Apprendre constamment, enjoliver chaque instant
De douceurs, de pétillements, choisir d’aller vers l’avant….
Vers la vie, vers l’amour
En dedans, tout autour
Maintenant et toujours
J’ai pris ces paroles comme une réponse.
Merci Beaucoup!
Lucie …